Le Dr Mukwege s'exprimant devant un public sérieux, fond d'images évoquant la paix en Afrique de l'Est, ambiance grave et engagée.Le Dr Mukwege s'exprimant devant un public sérieux, fond d'images évoquant la paix en Afrique de l'Est, ambiance grave et engagée.

Dans un climat où chaque initiative semble vouloir jouer sa propre partition, Denis Mukwege, fidèle à sa réputation de franc-parler, est monté au créneau ce 26 avril. Le Prix Nobel de la Paix n’a pas mâché ses mots : pour lui, la paix dans l’Est de la RDC n’adviendra pas au gré de démarches éparpillées. Il plaide pour une harmonisation urgente des actions, avant que la cacophonie ne vienne étouffer les maigres lueurs d’espoir.

Un éparpillement d’initiatives qui inquiète Mukwege

À travers une déclaration transmise à Radio Okapi, Mukwege a livré son analyse sans détour : la multiplication des initiatives désordonnées risque de prolonger l’instabilité qui ronge l’Est de la RDC depuis des décennies.

Ce constat n’est pas nouveau, mais il frappe avec une gravité renouvelée dans un contexte où l’Union africaine vient de désigner Faure Gnassingbé comme médiateur. Pour Mukwege, cet élan doit être non seulement soutenu, mais coordonné avec rigueur pour éviter les erreurs du passé.

Il n’a d’ailleurs pas hésité à rappeler comment, à force de compromis mal négociés, la RDC a vu des seigneurs de guerre être promus au rang de « faiseurs de paix », avec pour seul résultat un cycle infernal de violences. Seule l’exception de l’accord-cadre d’Addis-Abeba, signé en 2013, trouve grâce à ses yeux, preuve que l’efficacité réside dans la cohérence et la volonté politique.

Selon Mukwege, l’empilement d’initiatives, aussi louables soient-elles individuellement, devient contre-productif si aucune vision d’ensemble ne les fédère.

Dans un environnement aussi fragile que l’Est congolais, chaque faux pas alimente un peu plus la défiance et l’instabilité. Le docteur, lui, plaide pour une approche unifiée, portée par une pression internationale coordonnée et sans concessions.

Le réveil timide de la communauté internationale

Cependant, tout n’est pas noir au tableau. Mukwege note une évolution discrète mais significative du regard international sur la tragédie congolaise. Les sanctions ciblées des États-Unis et de l’Union européenne contre le Rwanda, accusé d’ingérences répétées en RDC, marquent selon lui un tournant important. Enfin, la communauté internationale semble sortir de son long sommeil.

Pour Mukwege, ces mesures restrictives, bien qu’encore timides, montrent qu’une dynamique de responsabilisation peut se mettre en place. Mais il avertit : sans une coordination étroite entre partenaires — de Washington à Bruxelles en passant par les acteurs africains —, ces efforts risquent de se diluer dans les eaux troubles de la realpolitik.

Le chirurgien et militant espère voir les grandes puissances aller plus loin : il rêve d’une coalition internationale qui, au lieu de se contenter de déclarations d’intention, impose une paix durable par des actes fermes et concertés. Pour lui, la RDC n’a plus besoin de médiateurs en série, mais d’une volonté commune d’en finir avec les logiques prédatrices qui l’ont saignée à blanc.

En bref, Mukwege invite à voir grand, à penser collectif, et surtout, à agir avec cohérence. Car, en matière de paix comme en médecine, une mauvaise prescription peut parfois tuer plus sûrement que la maladie elle-même.