À Goma, le mot « insécurité » ne suffit plus à décrire la réalité. La ville, jadis animée par le tumulte des motocyclettes et les voix des marchés, s’enfonce jour après jour dans une spirale de violence où les morts se comptent par vagues. Malgré la présence du M23, censée rétablir un semblant d’ordre, les crimes se multiplient, les familles pleurent et les autorités se murent dans l’inaction. Ce dimanche 4 mai a été marqué par une nouvelle tragédie — aussi brutale que banale dans une ville où l’exception devient la norme.
Une ville en sursis : les nuits sont plus longues que les jours
Dans les rues poussiéreuses de Goma, la nuit a cessé d’être un simple passage vers le jour. Ce dimanche 4 mai, une famille entière a été arrachée au sommeil, victime d’une violence devenue presque ordinaire.
Le quartier Bujovu, habitué aux radios grésillantes et aux aboiements lointains, s’est réveillé dans un vacarme de coups de feu. Un père, son fils et un proche n’auront pas vu le lever du soleil.
Ce drame n’est malheureusement pas isolé. Kasika, Ndosho, Kyeshero : chaque nom évoque désormais un épisode de braquage ou d’agression.
Des hommes armés surgissent, frappent vite, et disparaissent sans laisser de traces. Et quand les habitants tentent de s’organiser ou de demander du secours, le silence administratif pèse plus lourd que les balles. L’État hésite. Ou alors, il arrive quand tout est déjà joué.
Quant au M23, désormais acteur visible du paysage sécuritaire depuis son arrivée en janvier, son rôle reste flou. Ce soir-là, ses éléments sont intervenus — tardivement, certes — mais ont tout de même intercepté trois assaillants près de l’usine SAFRICAS.
Un geste qui compte, mais qui ne suffit pas. Dans une ville où les cadavres se multiplient, chaque action réactive laisse le champ libre à la terreur. L’ombre du M23 rassure certains, inquiète d’autres, mais ne dissipe pas le chaos ambiant.
Goma, ville fantôme en devenir : quand l’État se dilue dans le silence
L’insécurité n’est plus une séquence. C’est une toile de fond. Chaque soir, Goma ressemble un peu plus à une ville assiégée. Les évadés de la prison de Munzenze — plus de 4 000 selon certaines sources — déambulent peut-être dans les mêmes marchés que leurs victimes. Braquages, pillages, meurtres… Tout semble s’être banalisé au rythme de l’indifférence politique.
Et la population ? Elle enrage, elle supplie, elle se méfie. Les témoignages recueillis par les médias locaux traduisent une peur qui s’incruste, une méfiance qui s’installe. « Aujourd’hui, c’est mon voisin. Demain, ce sera peut-être moi », confie un habitant de Bujovu, les yeux cernés de fatigue, l’âme affaissée par l’impuissance.
Mais ce que redoutent le plus les Gomatraciens, ce n’est pas la nuit. C’est le silence au matin. Le silence des autorités, qui parlent sécurité mais n’agissent qu’à reculons. Le silence des institutions, qui gèrent des crises avec des communiqués. Et surtout, le silence du monde, qui regarde ailleurs pendant que Goma s’enfonce.
À Goma, les morts s’accumulent, les larmes aussi. Et pendant que certains comptent les victimes, d’autres comptent les jours avant qu’une véritable réponse soit enfin formulée.