Le vent tourne à nouveau sur les collines boisées du Sud-Kivu. Ce mardi 15 avril 2025, le M23, ce groupe rebelle soutenu par Kigali, a repris la main sur quatre localités jadis perdues dans les territoires de Kalehe et Kabare. Lemera, Bushaku 1, Bushaku 2 et Kabamba sont retombées sous leur coupe, au terme de combats intenses face aux Wazalendo, alliés occasionnels mais tenaces des FARDC. Une victoire militaire, mais à quel prix ?
Une reconquête éclaire, des pertes civiles à déplorer
La reconquête du M23 ne s’est pas faite à pas feutrés. Selon des sources locales, la journée du 14 avril a été rythmée par des salves de mortiers et d’obus, transformant les villages en théâtres d’affrontements à ciel ouvert. Trois civils, dont une mère de famille, ont été tués à Irhambi Katana, victimes collatérales d’un conflit où les civils restent en première ligne.
La stratégie du M23 s’est appuyée sur un double mouvement : d’une part, des renforts acheminés via le lac Kivu depuis le Nord-Kivu, et d’autre part, une poussée terrestre en provenance de Bukavu et Kavumu. Le timing n’a rien d’anodin. Deux jours plus tôt, les Wazalendo avaient brièvement repris l’aéroport de Kavumu. Ce contre-pied rapide montre que le M23 n’a pas l’intention de laisser respirer ses adversaires.
Dans cette guerre de positions et de symboles, chaque village repris est une démonstration de force. Mais au-delà des gains territoriaux, c’est le message politique qui frappe : le M23 avance, Doha discute, et la population paie l’addition.
Le Sud-Kivu dans l’étau : entre diplomatie impuissante et stratégie militaire
Loin de calmer les tensions, les discussions de Doha semblent hors-sol face à la réalité du terrain. Depuis deux mois, le M23 contrôle déjà des portions du Nord-Kivu et de Bukavu.
Leur avancée vers le Sud-Kivu ne relève plus d’une hypothèse mais d’un plan de route méthodique. Kabare et Kalehe ne sont que des étapes dans une stratégie plus vaste, où les axes routiers, les hauteurs et les points logistiques deviennent des enjeux vitaux.
Cette progression du M23 met à mal la coordination entre les forces loyalistes et les milices locales. Les Wazalendo, bien que motivés, manquent parfois de structure et de soutien logistique face à une organisation rebelle qui, elle, bénéficie d’un appui régional bien huilé. L’ombre du Rwanda n’est plus une rumeur, mais une donnée géopolitique à intégrer sérieusement.
Dans ce contexte, les acteurs humanitaires tirent la sonnette d’alarme. Déplacements de population, pénuries alimentaires, insécurité persistante : le Sud-Kivu risque l’asphyxie humanitaire si cette dynamique de confrontation se poursuit.
Tandis que les chancelleries occidentales tergiversent et que les médiations internationales stagnent, le M23, lui, avance. À pas de velours, certes, mais armé jusqu’aux dents. Le Sud-Kivu, déjà meurtri par deux décennies de violence, entre dans une nouvelle phase de turbulence. Une phase où chaque localité perdue ou reprise pourrait faire basculer tout l’Est du Congo.