Le dollar, longtemps considéré comme le refuge ultime des marchés, vacille sous les secousses imprévisibles de l’ère Trump. Alors que l’ancien président multiplie les déclarations incendiaires et les revirements stratégiques, la devise américaine perd son lustre. Les investisseurs, habitués à naviguer dans les eaux turbulentes de la politique, semblent cette fois tourner le dos à un navire en perdition. Comment en est-on arrivé là ?
Le soufflé du dollar s’effondre : Trump, catalyseur d’un déclin structurel
Les annonces tonitruantes de Donald Trump sur d’éventuelles dévaluations compétitives ou des remises en cause des accords commerciaux ont longtemps fait trembler les marchés.
Aujourd’hui, l’effet s’est inversé. Les investisseurs, blasés, ignorent ses provocations. La volatilité du dollar, autrefois liée à chaque tweet présidentiel, s’émousse. La devise recule face à l’euro et aux monnaies émergentes, malgré des taux directeurs élevés.
Pire : les fondamentaux économiques jouent contre elle. L’inflation persistante, couplée à une dette publique abyssale, érode la confiance. La Fed, en équilibre entre récession et stagflation, hésite à relancer les hausses de taux. Les capitaux se détournent. Les réserves en dollars des banques centrales étrangères atteignent un plancher historique (moins de 58 % en 2023, contre 71 % en 2001). Un signal fort.
En réalité, Trump n’est qu’un accélérateur. Son héritage — guerres commerciales, isolationnisme, instabilité institutionnelle — a sapé la crédibilité du dollar comme pilier de l’ordre monétaire.
Les BRICS, menés par la Chine et l’Inde, développent des systèmes de paiement alternatifs. L’or, les cryptomonnaies et même les paniers de devises régionales grignotent l’hégémonie du billet vert. La confiance ne se reconstruit pas à coups de tweets.
Géopolitique du déclin : quand le dollar devient un boulet stratégique
Le paradoxe est cruel. Le dollar, outil de puissance américaine depuis Bretton Woods, se mue en faiblesse. Les sanctions économiques — arme favorite de Washington — ont incité Moscou, Téhéran ou Pékin à contourner le système SWIFT. Résultat : 35 % des échanges internationaux s’effectuent désormais hors dollar, contre 20 % en 2018. Une hémorragie silencieuse.
L’administration Trump a exacerbé cette défiance. En menaçant d’exclure des pays du système financier dollarisé, elle a poussé même ses alliés à diversifier leurs réserves. L’Arabie saoudite, pourtant liée par le pétrodollar, négocie désormais des contrats en yuan. L’euro, discret mais résilient, profite de ces fractures.
Pire encore : la polarisation politique interne américaine mine l’unité nécessaire pour défendre la devise. Les batailles budgétaires à répétition, les shutdowns, et les doutes sur la solvabilité du Trésor alimentent les spéculations. Le monde observe, incrédule, une superpuissance qui saborde elle-même son levier d’influence principal.
Si les marchés semblent résignés, les conséquences géopolitiques, elles, sont explosives.
Un ordre monétaire en recomposition
Le décrochage du dollar n’est pas une simple correction technique. C’est le symptôme d’un basculement géoéconomique. Trump, en déstabilisant les institutions et en alimentant le chaos diplomatique, a précipité l’inévitable : l’émergence d’un monde multipolaire où le billet vert ne dicte plus seuleument les règles.
Reste à savoir si les États-Unis sauront s’adapter. La réponse passera par une politique cohérente, un retour au multilatéralisme… et moins de coups d’éclat médiatiques. En attendant, le dollar tangue. Et avec lui, c’est toute l’architecture financière globale qui cherche un nouveau point d’équilibre.