Pape et financesLe pape face à un scandale économique : Le Vatican au bord du gouffre ? Source : Evans Selemani

Dans les couloirs feutrés du Vatican, les dorures n’arrivent plus à dissimuler les chiffres rouges. Élu à la tête de l’Église catholique dans un contexte houleux, le pape Léon XIV hérite non pas seulement de la tiare, mais aussi d’un bilan digne d’une entreprise en crise. Si la foi peut soulever des montagnes, suffira-t-elle à combler les déficits du Saint-Siège ? Le défi est à la fois mystique et comptable. Voici l’état des lieux d’un Vatican en quête d’équilibre.

La sainte équation : gérer un empire sans impôts ni dettes

Le Vatican est une énigme budgétaire. Contrairement aux États modernes, il ne prélève pas d’impôts et n’émet pas d’obligations pour financer son fonctionnement. Ce micro-État dépend principalement de ses biens immobiliers, d’institutions sanitaires et éducatives romaines, et des dons de fidèles. En 2022, cela représentait environ 770 millions d’euros de revenus, dont 65 % générés par des loyers et activités annexes, et seulement 5 % issus de sa très particulière banque interne.

Mais derrière ces chiffres se cache une réalité plus préoccupante : un déficit d’exploitation de 83 millions d’euros en 2024, soit plus du double de celui enregistré deux ans auparavant. En langage profane, l’Église dépense bien plus qu’elle ne gagne, et les moyens de redressement sont minces. À cela s’ajoute une opacité financière tenace, alimentée par des décennies de gestions hasardeuses et de scandales retentissants.

Héritage plombé : des scandales qui collent à la soutane

L’histoire financière du Vatican est jalonnée d’épisodes embarrassants, dont le plus récent reste celui de la propriété londonienne. Entre 2014 et 2018, près de 350 millions d’euros ont été engloutis dans une transaction immobilière douteuse. Résultat : une perte sèche de 140 millions d’euros, un procès anticorruption et un cardinal condamné.

Mais ce n’est pas tout. Le souvenir de la Banco Ambrosiano hante encore les murs. En 1982, l’effondrement de cette banque italienne, dans laquelle le Vatican était fortement impliqué, s’est soldé par une perte estimée à 250 millions de dollars. Le suicide présumé de Roberto Calvi, le banquier du pape, pendu sous le pont de Blackfriars à Londres, a marqué les esprits… et terni l’image d’une Église censée prêcher la transparence.

À ces affaires contemporaines s’ajoute un passé plus sombre encore. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Vatican a été accusé d’avoir fait transiter de l’or pillé par les nazis. Si les preuves restent partielles, elles suffisent à nourrir une méfiance chronique autour des finances de la Curie.

Des réformes à moitié sanctifiées : le legs du pape François

Le pape François n’a pas ménagé ses efforts pour assainir les comptes. Il a renvoyé la gestion des investissements du Secrétariat d’État, sanctionné plusieurs hauts fonctionnaires et appelé à un budget à « déficit zéro ». En 2021, il a obtenu une reconnaissance rare : la banque du Vatican a été saluée par Moneyval pour ses efforts contre le blanchiment d’argent.

Mais malgré cette volonté réformatrice, les résultats restent maigres. Le déficit n’a pas été résorbé, le fonds de pension du Vatican affiche un trou abyssal de plus de 600 millions d’euros, et certaines résistances internes rendent tout progrès difficile. Même les coupes dans les revenus des cardinaux – trois réductions en trois ans – ont suscité des levées de boucliers.

François, visionnaire mais parfois isolé, a tenté d’imposer un virage éthique et économique. Cependant, il a souvent buté sur la complexité d’une institution vieille de deux millénaires, dont la bureaucratie rivalise en rigidité avec celle des pires régimes administratifs. Sa croisade contre la corruption aura eu le mérite de poser les bases. À son successeur désormais d’en bâtir la suite.

Pape Léon XIV : mathématiques divines ou miracle comptable ?

Diplômé en mathématiques, le nouveau pape Léon XIV n’a pas seulement la foi, mais aussi les chiffres. Cela tombe bien : il va en falloir, des équations, pour équilibrer les comptes d’un État pieux mais déficitaire.

Son profil coche les trois cases convoitées : missionnaire, homme d’État, et gouverneur. Mais sur le terrain glissant des finances, il devra plus que jamais jouer les funambules. Parmi les pistes évoquées : rationaliser les dépenses, revoir le périmètre diplomatique du Vatican, ou même, murmure-t-on, professionnaliser davantage la gestion des actifs immobiliers.

Mais attention : les marges de manœuvre sont minces. Utiliser les dons pour combler les trous dans les caisses est moralement et théologiquement délicat. Quant à une privatisation partielle ou à l’appel à des financements extérieurs, cela risquerait d’aliéner une partie des fidèles.

Léon XIV devra aussi s’imposer face à la vieille garde vaticane, qui voit d’un mauvais œil toute modernisation trop brutale. Dans cette optique, sa proximité avec François pourrait être une bénédiction… ou un fardeau, selon qu’il poursuive ou rompe avec les réformes inachevées de son prédécesseur.

Le salut viendra-t-il par les comptes ?

Le défi est immense, mais pas impossible. Le pape Léon XIV entre en scène avec un dossier brûlant : celui de remettre en ordre les finances d’un État aussi unique que fragile. Son héritage ne se mesurera pas seulement en discours inspirants, mais aussi en colonnes équilibrées.

Le Vatican n’est pas une entreprise, mais il a des comptes à rendre – au sens propre comme au sens figuré. Dans un monde où la transparence devient exigence, l’Église ne peut plus se permettre d’avancer masquée. Léon XIV devra réconcilier foi et rigueur, spiritualité et gestion, éthique et arithmétique. Autant dire qu’il lui faudra un soupçon de génie, beaucoup de courage… et peut-être un miracle.